ÔM
Vingt voix d’hommes de Spirito invitent au voyage dans le temps et l’espace. Sept langues habitent successivement les oeuvres de Poulenc, Sibelius, Bartok, Chostakovitch entre autres, dévoilent un itinéraire contrasté où se conjuguent le sacré et le profane, le savant et le populaire, l’ancienne et la nouvelle polyphonie. En un seul geste, sans pause, sinon celle qui confère au silence sa nécessité, ÔM est un spectacle mouvant et coloré qui dit pleinement la force expressive, intime ou cathédrale, du choeur d’hommes.
L’oeuvre de Javier Maldonado vue par :
Joël Clerget
Psychanalyste, enseignant et écrivain
Figure
La complexité d’une transformation assimilant et continuant une musique traditionnelle (américaine, corse, géorgienne par exemple) s’accomplit dans un travail de composition personnelle. Le chant corse ayant son propre genre (lamentu), Javier Torres Maldonado en reprend certains caractères pour les recomposer d’une manière expansive. Origine et genèse, en un puisement de terre et de temps, ouvrent ainsi les voies de la création au fur et à mesure de son écriture et de sa réalisation dans l’interprétation. Un enjeu de mutation s’accomplit en cette passe.
Le mot allemand Ubertragung convient bien à cette entreprise, car il comprend la triple face du transfert, de la traduction et de la transmission. La transcription établit une version d’une chanson. Son lien au transfert se réalise dans l’écriture de la partition. L’interprétation donne à suivre des déplacements et à entendre la diffusion polyphonique du son dans l’espace. La main de l’écriture transfère les sonorités d’un flux émotionnel existentiel nous concernant à l’intime de notre être entier. L’imaginaire porte l’épure d’une vocalité ancestrale distincte de la rumeur du monde. L’inspiration confère profondeur à la voix dans un glissement sur le texte – harmonique tout à l’ampleur du volume – en un roulement continu par où la texture des voix s’enroule dans la discrétion d’une rémanence. Une technique quasi architecturale, corporelle et artisanale, lui confère volume.
Cette musique nous intime à l’universel de la figure humaine. L’art de Javier Torres Maldonado consiste bien à traduire en sonorités vocales et musicales le paysvisage de l’humanité partagée. Un figural opère ici par-delà toute figuration et tout figuratif. Qu’est-ce à dire ? Le compositeur nous tient la face ouverte devant la défiguration létale qui nous menace. La voix chante instrument vers une autre issue que la destruction. La puissance du figural, qui ne consiste pas à donner une idée ou une perception immédiatement reconnaissable, traverse ce que le figuratif contient et porte en lui-même derrière le voile de ce qui apparaît. Il articule la partition à ce qui la fonde. Il nous porte à notre parution dans la confiance et la fiabilité sans cesse renouvelées de l’oeuvre jouée. Le parcours figuratif, l’histoire relatée, par exemple la Lettera a mamma, – « Si seulement venait une hirondelle… » – créatif déjà, prend valeur figurale quand nous sommes, par la scène évoquée, mis en relation les uns avec les autres, par l’acte inouï du devenir soi avec d’autres. Dans cette réduction du figuratif dans le figural, aucune figure visible toutefois ne se voit, car l’invisible parole fonde et anime notre être. Un portrait imaginaire n’est pas détaché de ce qui le sous-tend car notre voix d’écoute nous donne à saisir un tout Autre espace de relation. Cette partition, présence du son dans le son, avec ses harmoniques, nous conduit ailleurs, à cet Ailleurs en nous qui est scène où vibre et résonne la permanence de sonorités entendues depuis la vie prénatale. Cette Ancienne chanson corse n’est point revisitée, comme on dit aujourd’hui. C’est elle qui nous rend visite et nous salue.
Praetorius Michael (1571-1621) Ecce Maria
Francis Lemarque (1917-2002) Le temps du muguet (évocation)
Polyphonie corse : Kyrie du Requiem d’Ascu
Gustav Holst (1874-1934) Ave Maria
Francis Poulenc (1899-1963) Prières 1 et 2 de Saint François d’Assise
Igor Stravinsky (1882-1971) Pater noster
Jean Sibelius (1865-1957) Sydämeni Laulu
Polyphonies corses : Agnus Dei et Tantum ergo
Rimsky Korsakov (1844-1908) Folksong
Chant populaire russe Nuits d’été
Arrangement : Henri-Charles Bonnet
Dmitri Chostakovich (1906-1975) La difficile quête du beau
Extrait de la cantate Fidélité
Béla Bartók (1881-1945) Cinq Chants populaires slovaques
Francis Poulenc Prière 3 de Saint François d’Assise
Polyphonie corse : Lettera a Mamma
Xavier Torres Maldonado (1968)
Ancienne chanson corse : Portrait imaginaire CRÉATION
Aide à l’écriture d’une oeuvre musicale originale du ministère de la Culture
Gentils galants de France (anonyme 1504)
Arrangement : Henri-Charles Bonnet
Maurice Ohana (1913-1992) Nuées
Francis Poulenc Prière 4 de Saint François d’Assise
Zoltán Kodály (1882-1967) Esti Dal
Spirito
Contre-ténors Christophe Baska, Nicolas Kuntzelmann, Sylvain Manet
Ténors Almeno Barros Gonçalves, Jean-Christophe Dantras-Henry, Thomas Georget, François Hollemaert, Xavier Olagne, Jean-Noël Poggiali, Marc Scaramozzino
Barytons Étienne Chevallier, Sébastian Delgado, Jean-Baptiste Dumora, Guillaume Frey, Ilia Mazurov
Basses Jean-Christophe Brizard, Aurélien Curinier, Imanol Iraola, François Maniez, Martin Quéval,
François Berlinghi Artiste associé pour le chant corse
Thomas Guerry Mise en espace
Nicolas Charpail Création lumières
Gabriel Bourgoin Chef assistant
Nicole Corti Direction