Venus’ birds
Suivre avec délice et légèreté les contours et les détours du sentiment amoureux, voilà le fil conducteur de ce programme dont le nom est un clin d’oeil à une chanson de John Bennet. Une promenade intimiste au gré de petits airs du grand siècle… Charmes, tourments et réjouissances de l’amour sont incarnés par trois contre-ténors accompagnés d’un luth et d’une viole de gambe.
Venus’ birds vu par
Nicolas Bucher
Organiste, claveciniste et directeur du Centre de musique baroque de Versailles
Il y a quelques années, mes pas pressés d’étudiant m’amenaient fréquemment place du Sablon à Bruxelles. Vous en connaissez peut-être la magnifique église gothique qui était, à l’époque, noire de crasse. Mais, le soir tombé, ses vitraux avaient la particularité, désormais courante, d’être éclairés de l’intérieur et d’être donc contemplés… de l’arrêt de bus.
C’est l’un des paradoxes de notre époque, attachée à son patrimoine et qui déplace les objets pour les poser là où ils n’auraient jamais dû être, dans une fonction qui n’est pas celle de leur création. La vie des Saints en attendant le tram, par exemple.
Un autre souvenir, de 2008, pardon. En sortant du Théâtre de la Ville de Paris, après Zeitung, spectacle chorégraphique fort réussi d’Anne Teresa de Keersmaeker sur des musiques de Bach, Schoenberg et Webern, je suis pris d’un vertige, quasiment physique, en pensant au vieux cantor, incapable d’imaginer que sa musique, conçue pour un cercle très restreint, servirait un spectacle de danse contemporaine, jouée au piano, à Paris, un peu plus de 250 ans après sa mort. C’est la beauté et le défi de ce programme de Spirito. Les oeuvres de ce programme ont été conçues pour le cadre intime du salon, pour être chantées entre amis, voire entre amants, dans un moment musical fugace, entre autres réjouissances. Pour un petit public choisi, qui se connaît. Et cette intimité est un des éléments qui fait l’intensité de cette musique, avec son rapport quasi-charnel au texte.
Est-il plus grand défi que celui de l’intime aujourd’hui, à l’heure du smartphone, des réseaux sociaux ? Est-il plus beau défi que de créer dans un espace public comme celui d’une salle de concerts, un élan qui va du coeur de l’interprète au coeur du spectateur pour le toucher, sans l’impressionner, non sans artifices mais avec vérité.
Trois contre-ténors, un luth et une viole, pour nous parler d’amour, avec les mots et la musique d’il y a trois ou quatre siècles. Et nous mouvoir, nous, aujourd’hui et maintenant. Hic et nunc.
Partie 1 : Les Charmes
Thomas Morley (1557-1602) It was a lover and his lasse
Claudio Monteverdi (1567-1643) Si come crescon
Michel Lambert (1610-1696) Ma bergère est tendre
Girolamo Frescobaldi (1583-1643) Begli occhi / Bella tiranna / Occhi que sete
Giovanni Felice (c.1600-1679) Sances Accenti queruli
Partie 2 : Les Tourments
John Dowland (1563-1626) Flow my tears
Michel Lambert (1610-1696) Rochers, vous êtes sourds
John Wilbye (1574-1638) When Cloris heard
Girolamo Frescobaldi Cosi mi disprezzate
John Danyel (1564-1626) Grief keep within
John Dowland Can she excuse my wrongs
Claudio Monteverdi Si dolce è’l tormento
Partie 3 : Les Réjouissances
John Bennet (1575-1614) Venus’ Birds
Giulio Caccini (1551-1618) Amarilli mia bella
John Dowland Behold a wonder here
Robert Johnson (1583-1633) Care charming sleep
Claudio Monteverdi Zefiro torna
Spirito
Contre-ténors Christophe Baska, Léo Fernique et Nicolas Kuntzelmann
Matthias Spaeter Luth
Anne-Sophie Eisele Viole de gambe
Nicole Corti Direction artistique